mercredi 16 mai 2012

Lettres à soif (6)

Ici nous avons le coeur et la raison ibérophiles. Et même décidément ibérolâtres.
L'odeur de poulpe grillé et de morue finement saisie à la vapeur qui traînent plus bas le prouvent, non ?

Au Sud de cette Europe étiquetée pouilleuse et irrationnelle, si malmenée à cette heure, le Portugal béatifie deux choses : la vigne et la poésie. 

Pessoa, comment ne pas parler de lui, aimait les deux. 

Un de ses hétéronymes, le jouisseur Alvaro De Campos, ne dit-il pas :  "Bonne est la vie, meilleur est le vin " ? 

Miguel Torga,  fils du Douro, a regardé toute son enfance mûrir les grappes et s'éreinter les hommes sur les pentes de Tras-Os-Montes. Il résume peut-être tout cela  dans ces mots quand il énonce :

"...voir cette merveille, 
mon père donne forme à une vigne
comme une mère qui  
tresse les cheveux de sa fille."

(©Miguel Torga in Poèmes Ibériques/ trad.Claire Cayron ) 


Pourtant c'est chez Herberto Helder, poète cosmogonique et inclassable, à la langue si libre et attisée que j'ai trouvé ce qui pourrait accompagner quelques verres d'un vin lusitanien...(ici le "Tinta Barroca" du Domaine Muxagat)



...en fermant les yeux et en pensant doucement aux ceps qui vont chercher si loin le meilleur de la terre et de l'eau.

"...s'élevant de la terre, non comme un arbre
ou une femme
épanouie en son climat de douceur
et d'émoi lancinant. Une chose
venue de racines autrement miraculeuses,
inexprimable par la brève
ténuité des feuillages, ou la chaude acuité des doigts tendus.
Une chose non entièrement désentravée de l'obscurité
d'une vie ensevelie,
non point un gisant par dessus qui des myriades d'étoiles
rouleraient leurs ailes gelées.
Une chose au coeur d'une existence suspendue entre
l'extase et ce pouvoir obscur
des saisons."

Herberto Helder in "Lieu"/ trad. Magali et Max De Carvalho)

Sur ce , um brinde camaradas !

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